Comprendre les CVO : Ce que tout viticulteur devrait savoir pour se défendre

Défendre nos vignes, défendre notre voix

Les CVO, cotisations votées par les interprofessions et validées par décret, financent des actions collectives dans la filière viticole.

Des cotisations au flou persistant

Les CVO sont instaurées par les interprofessions du vin pour financer des actions collectives censées bénéficier à tous : promotion, recherche, organisation du marché. Elles s’appliquent à l’hectolitre produit ou commercialisé, à hauteur de plusieurs euros, selon les bassins viticoles et les circuits. En théorie, elles sont validées par l’État, via une procédure d’extension, et deviennent donc obligatoires.

Mais combien savent exactement à quoi servent ces montants ? Combien ont vu un retour concret sur leur investissement obligatoire ? Très peu, et c’est bien là le problème. Les bilans d’activités interprofessionnels sont parfois vagues, inaccessibles, ou trop techniques. Les vignerons, eux, reçoivent une facture, souvent par courrier ou via leur douane, et doivent payer, sans discussion.

Ce flou génère un sentiment d’injustice. Pourquoi payer pour une action de communication à l’export quand on vend en direct, localement ? Pourquoi financer une organisation dont on n’a jamais croisé un représentant sur le terrain ? Le défaut de transparence n’est pas qu’un détail administratif. C’est une question de confiance. Et aujourd’hui, cette confiance est ébréchée.

Les CVO sont dues par tous les vignerons, syndiqués ou non, avec collecte via les douanes et risque de pénalités en cas de non-paiement.

Comprendre la mécanique pour mieux agir

Avant de refuser, encore faut-il comprendre comment fonctionne le système. Les interprofessions sont des organismes réunissant à la fois les producteurs et les metteurs en marché. Elles définissent des actions collectives, qu’elles proposent de financer via les CVO. Une fois la cotisation votée, elle est validée par décret ministériel, ce qui la rend obligatoire.

Cela signifie que même si un vigneron n’est pas syndiqué, même s’il ne participe à aucune réunion interprofessionnelle, il devra payer. En pratique, les douanes servent de relais pour récolter ces montants et les transmettre aux interprofessions. Tout retard ou défaut de paiement peut entraîner des relances, voire des pénalités.

Les leviers pour contester ne sont pas inexistants, mais ils sont complexes. Certaines décisions ont été attaquées devant le Conseil d’État. Des recours collectifs ont été tentés. Toutefois, la meilleure défense reste encore l'information : lire les arrêtés d’extension, analyser les budgets des interprofessions, poser des questions précises. Et surtout, ne pas rester isolé.

Les CVO s’appliquent uniformément, pénalisant les petits domaines qui financent des actions dont seuls les grands groupes tirent vraiment profit.

Quand les petites exploitations paient pour les grandes

Les CVO ont ceci de particulier qu’elles s’appliquent uniformément, quelle que soit la taille de l’exploitation. Un petit domaine en bio, vendant 15 000 bouteilles en vente directe, se retrouve à financer des campagnes génériques de promotion du vin français, ou des études techniques qu’il n’utilisera jamais. Pendant ce temps, les grands groupes, eux, profitent des effets d’échelle.

Ce mécanisme a un effet pervers : il accentue les inégalités. Les structures les plus modestes, qui peinent déjà à équilibrer leurs comptes, voient une part de leurs revenus ponctionnée pour des services dont l’utilité leur échappe. Il y a là une rupture dans le principe d’équité.

C’est ce que notre collectif dénonce. Non pas l’idée d’un financement collectif en soi, mais l’absence de choix, de dialogue et d’adaptation. Pourquoi un vigneron bio en AOP devrait-il payer pour une étude de marché sur les vins conventionnels vendus en grande distribution ? Où est le bénéfice commun ?

À cette question, les réponses sont souvent institutionnelles, floues, et rarement convaincantes. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Cela veut dire qu’il faut proposer un autre modèle, plus juste, plus clair, plus proche du terrain.

Informer, questionner, et agir face aux CVO : lecture des textes, transparence des budgets, échanges entre vignerons et recours juridiques possibles.

Ce que vous pouvez faire concrètement

L’objectif de ce blog n’est pas de vous inciter à la révolte, mais de vous donner les outils pour comprendre, questionner, et si besoin, contester. Voici ce que vous pouvez faire, concrètement :

  • Lisez les textes officiels : chaque extension de CVO fait l’objet d’un arrêté publié au Journal officiel. Ces textes sont accessibles, même s’ils sont techniques. Nous les commentons ici régulièrement.
  • Demandez des comptes : vous avez le droit de connaître l’utilisation de vos cotisations. Les interprofessions sont tenues de publier leurs budgets, leurs bilans, leurs rapports d’activités. N’hésitez pas à les solliciter.
  • Échangez avec d’autres vignerons : le premier levier de résistance, c’est le collectif. Regroupez-vous, organisez des réunions locales, partagez les informations et les recours éventuels.
  • Envisagez des recours : dans certains cas, il est possible de contester une CVO sur la base de son inadaptation ou de son extension jugée illégale. Cela suppose un accompagnement juridique, que nous pouvons relayer ici.

Enfin, n’oubliez pas que vous êtes légitimes. Vous travaillez la terre. Vous connaissez vos besoins. Vous avez le droit d’être entendus. Ce blog est là pour vous aider à prendre cette place, sans agressivité, mais avec détermination.

Parce que la vigne n’a jamais poussé seule, parce que la solidarité ne doit pas se transformer en dépendance, et parce que l’avenir du vin se joue aussi dans la clarté des règles qui l’encadrent, nous continuerons à écrire, décrypter, alerter.

Et surtout, nous continuerons à défendre l’idée que les vignerons ne doivent plus être les payeurs silencieux d’un système qui ne les écoute pas.